La gestion des déchets reste aujourd’hui une question entière et préoccupante tant au niveau national, qu’international. C’est un domaine perçu pour certains comme un secteur mal connu. Et qui, dans la situation actuelle de nos villes, il est difficile de dire avec exactitude, le nombre de tonnage de déchets plastiques produits par jour, par mois ou par an. Ce qui revient sans doute à dire que l’implication des acteurs est plus que nécessaire.
Malgré les « maigres » investissements dans la gestion professionnelle des déchets, on trouve tant bien que mal, quelques solutions qu’adoptent certains acteurs. Spécialistes et passionnés d’un environnement sain et vital ne cessent de préconiser des solutions afin de juguler cette problématique.
Nous avons rencontré Mamadou Aliou DIALLO, il est ingénieur Eau et Assainissement. Il a un regard inquiet sur ce secteur. En dépit, il propose quelques solutions « Moi je pense que la solution est déjà là, parce que y’a déjà un schéma directeur de la ville de Conakry qui a été élaboré. C’est comme la bible pour les chrétiens ou le coran pour les musulmans. C’est un guide qui prend en compte tous les aspects de gestion des déchets, c’est à dire du producteur à l’élimination final ou à la valorisation, donc c’est de mettre ces schémas directeurs en application dans le cadre d’organiser et de maîtriser la chaîne des déchets au niveau de tous les maillons. Et qu’il ait la solution maintenant à l’intérieur de ce schéma. » Entame-t-il
Pour diminuer les impacts des déchets plastiques tant sur la vie, que sur la santé humaine, plusieurs démarches sont nécessaires. Pour ce spécialiste, la gestion des déchets et leur valorisation vont de pair. Ce qui montre une complémentarité entre ces concepts « C’est la gestion et valorisation qui vont ensemble. Parce que, gérer c’est bien, mais on ne doit pas enterrer tous les déchets en décharge parce qu’ils ont des impacts. Suivant les études que nous avons mené sur Conakry plus de 50% des déchets sont biodégradables et c’est compostable, donc nous, on a déjà essayé de faire des sites pilotes sur Conakry et Kindia où on a démontré techniquement qu’à partir des ordures ménagères on peut faire du compost qui est un amendement organique, qui peut être utilisé dans nos champs en lieu et place des engrais chimiques. Si nous arrivons à réduire au moins ces 50% des déchets quels est l’impact que cela aura sur l’environnement sur la santé humaine et même sur l’économie du pays ? Je pense que c’est une solution. » Explique Mamadou Aliou DIALLO
Des solutions existent dans la gestion des déchets pour réduire l’ampleur des conséquences qui sont parfois fâcheuses. Cependant, pour Mamadou Aliou DIALLO, il est difficile d’envisager une solution définitive face à la présence des déchets plastique « Il n’y a jamais de solutions totales. Mais on peut quand même envisager des pistes d’actions sur lesquelles on peut s’appuyer pour réduire au maximum ces déchets plastiques. D’abord, je dirai à tous les citoyens de la Guinée, que la gestion des déchets n’est pas quelque chose de spécifique, ça incombe à tout le monde. Il faut réduire au maximum ces déchets plastiques dans notre vie quotidienne, cependant, cela ne veut pas dire qu’il faut réduire au maximum sa consommation, on peut en consommer tout en réduisant au maximum ses déchets. Je prends juste un exemple sur les dames qui utilisent les sacs de courses pour le marché au lieu d’un sac de course en plastique tu peux coudre un sac en tissu que tu pourrais utiliser tous les jours et quand c’est sale, on peut laver. Imaginez, pendant un mois tu pouvais utiliser un paquet de plastique. Mais avec ce sac-là tu peux faire deux mois à l’utiliser et à chaque fois laver. Il faut donc y penser. Aujourd’hui il y a des pré-collectes des déchets plastiques qui sont efficaces dans le grand Conakry. Quand je dis le grand Conakry, je parle de Conakry, plus maintenant les communes du Nord, Coyah, Dubreka Manéah. Quand le ménage s’abonne à ces PME des collectes de déchets au lieu de brûler, ces PME viendront collecter les déchets au niveau du gros ménage et les acheminer vers les structures dédiées à la gestion des déchets. Ce serait, l’une des solutions efficaces. » Indique cet ingénieur Eau et assainissement.
Dans la perspective de recherche de solution durable et simple pour la gestion efficace des déchets plastiques, Mamadou Aliou et son équipe qui travaille pour le compte du projet Sanita Conakry Ville propre, ont envisagé une solution technologique. Ils ont mis en place une application « UVALO », qu’ils comptent lancer dans un proche avenir. C’est une solution qui permet de mettre en relation acheteurs et vendeurs des déchets plastiques sans difficultés majeures « C’est un peu prématuré de parler de UVALO, parce que pour nous ici, où nous travaillons, nous appuyons les gestionnaires de zone de transit et de tri qu’on appelle les ZTT, où y’a des activités intenses de tri de déchets qui s’effectuent. Et à chaque fois, ils trient des déchets grâce à notre appui, parce que nous, nous savons qui achète quoi et à quel prix. On nous demande souvent si nous connaissons quelqu’un qui rachète.
Par exemple des poches d’eau et à quel prix, est-ce que vous connaissez quelqu’un qui rachète les plastiques durs et à quel prix. Tout le temps il faut appeler l’entreprise pour savoir si elle peut prendre et à quel prix ou appeler la ZTT parce que c’est dans les deux sens. Parfois, nous recevons les appels aussi venant des recycleurs qui nous demandent si nous connaissons des ZTT qui ont de la matière dont eux ils en ont besoin ou de façon inverse aussi les ZTT.
On a pensé à essayer de mettre ces outils en place pour créer un lien entre collecteurs et recycleurs. Là, tout passe à travers cette plate-forme, si tu as un produit tu prends la photo il y a les caractéristiques, tu mets dans la plate-forme et tes contacts, le poids et le prix et il y a un espace acheter, essayer de voir ce qui vous intéresse et automatiquement vous rentrez en contact avec le propriétaire. » A-t-il expliqué
Managnouna, une solution locale, mais innovante !
Les déchets sont à la fois une richesse pour certains et un encombrant pour d’autres. Fodé Camara fait partie de ceux qui pensent que les déchets sont de l’or ! Ce jeune assis dans son atelier de couture de sac, n’a d’autres calculs que de récupérer les sachets plastiques qu’il rencontre dans les quartiers de Conakry. Très dévoué et avec un souci de réduire la prolifération des plastiques, il met toute son énergie dans ce travail. Il recycle les déchets plastiques en fabriquant plusieurs types d’objets. Des sacs scolaires, des portes monnaies, des chapeaux, des pantalons et autres articles sont fabriqués à partir des déchets plastiques. Avec habileté, Fodé évolue au rythme de sa vision transformatrice. Cette solution de recyclage parait simple, mais efficace. Sa petite structure dénommée « Mana-gnuma », qui veut dire bon plastique, propose des innovations locales « Les activités à Mana-gnuma, le début du travail n’a pas été facile, mais actuellement les gens comprennent à travers les produits proposés, à travers la qualité des produits. On peut dire que ce n’est pas à 100%, mais nous sommes à 90% de nos capacités. » a introduit Fodé Camara, avec un sourire aux lèvres.
Très joyeux et déterminé à opérer un changement dans la perception de nombreuses personnes vis-à-vis de la présence des déchets plastiques, ce jeune de la trentaine, décrit les causes de sa motivation « Depuis très longtemps j’ai pensé que dans la vie d’un être humain, il faut essayer de s’immortaliser et d’où vient la question de l’immortalisation, il faut savoir pour un début ce n’est pas de se poser la question, par rapport à notre État, mais on doit toujours se poser des questions qu’est-ce que je dois faire en première position pour mon pays et qu’est-ce que le pays va me récompenser en retour. C’est dans cette perspective, que je me suis lancé et à l’école je lisais beaucoup d’histoires, alors j’ai trouvé tellement d’histoire des gens, j’ai compris sauf les gens qui ont accepté de travailler qui ont réussi et leurs noms sont gravés dans les histoires. C’est ainsi, je me suis dit pourquoi pas moi alors, c’est dans cette optique que je me suis lancé depuis tout petit. J’ai dit il faut que j’essaye de mettre quelque chose en place qui peut vraiment m’aider à aider ma nation et ma famille.
Comme le saviez-vous, depuis le temps du Général feu Lansana Conté, l’État a débloqué des centaines de milliards pour appeler des sociétés privées afin de venir nettoyer notre capitale qui est Conakry, mais tout le temps les mêmes problèmes surgissent dans la nature. Je me suis dit, si l’État peut mettre les stratégies en place pour que les déchets là puissent suivre d’autres cycles de vies, ça peut nous aider à réduire le financement et créer d’autres emplois. C’est en cela que je me suis dit, voilà comme l’État est là, ils vont le faire un jour, et un jour ça va peut venir. Mais pourquoi pas moi aussi, je peux contribuer pour mon pays afin de voir au moins de solutions que j’ai proposé pour que ça puisse aider mon environnement. C’est ce qui m’a poussé à me lancer dans cette activité. » dit-il
Fodé CAMARA innove même dans la nomination des objets qu’il fabrique. Pour lui, c’est une source de motivation et d’attirance des clients, et même pour les simples citoyens pour lutter contre les déchets plastiques « D’abord il ya 5 à 6 types de portefeuille. Il y a babara 1 babara 2, jusqu’à babara 6. Maintenant on regarde la productivité des sacs à dos, parce que les sacs à dos sont juste produits pendant les ouvertures scolaires. Mais nous n’avons pas encore défini le nombre exact qu’on peut produire et le nombre de la vente. Au niveau des petits portefeuilles il y a plusieurs types de produits. » Décrit-il
Malgré la vision du jeune Fodé CAMARA, à participer activement à la lutte contre les déchets plastiques à Conakry, les difficultés ne manquent pas. Le cadre de travail, les moyens utilisés, la main d’œuvre ne sont pas à porter de main pour ce jeune « On n’a pas les moyens de déplacement. Si un client nous appelle pour aller chercher les plastiques, il nous faut déplacer un motard et ça nous coûte cher. L’État aussi ne nous accompagne pas dans les initiatives, ils sont là, il nous écoute, mais après rien n’aboutit. Alors que à travers des initiatives comme l’entreprise « Mana-gnuma », c’est une manière de lutter contre la pollution de l’environnement. Je suis même en train de voir après l’utilisation de sacs que je produis, quel pourrait être leur utilité pour être recyclé et servir d’autres objets de valeur après. » Explique Fodé CAMARA
Pour des raisons de moyens, malgré la volonté, le promoteur de « Mana-gnuma », n’est pas au top de ses ambitions. Des mesures sanitaires non adaptées, et bien d’autres sont les facteurs qui bloquent par endroit son évolution « Mes limites aujourd’hui, je veux voir mon entreprise se transformée en une grande industrie qui produit beaucoup sac, de portefeuille et employé beaucoup de jeunes. Je veux vraiment devenir une grande industrie qui fait le recyclage des plastiques sous toutes les formes. Les machines que j’ai ici sont petites pour fabriquer le nombre de sac que je veux. Par jour je ne peux fabriquer que 4 à 6 sacs. Alors si c’est une grande industrie on peut aller au-delà. Les jeunes qui nous envoient les plastiques ne portent pas de bavette et de gants pour le ramassage des plastiques. Cela est un risque pour leur santé. » dixit Fodé
L’apport de quelques entreprises sur la gestion des déchets à Conakry !
OURKY SARL, est une autre entreprise qui valorise les déchets. Dans cette usine, les bouteilles et autres plastiques sont transformés. Son promoteur y voit plein d’opportunités. Pour lui, c’est l’une des solutions idéales pour une transformation efficace des déchets « La solution que cela peut apporter est énorme. Vous voyez ces bouteilles ou les plastiques, quand ils sont dans l’environnement ça ne brûle pas, ça ne pourri pas. Cela veut dire que ça peut faire des centaines d’années dans l’environnement et pour que cela change, il faut en faire une autre chose. Sinon avant que je commence le ramassage, j’ai mis plus de 20 camions à Dar -es-Salaam.
Mais je me disais quand est-ce que cela va finir. C’est pourquoi j’ai décidé d’en faire autre chose, ce qui a un impact positif. Pour ce qui est du plastique, la machine que vous voyez ici, c’est une broyeuse de plastique pour en faire des petits granulés et c’est ces granulés-là, qu’on donne à ces entreprises à Coyah et Manéah pour fabriquer d’autres matériaux. » Explique Mamadou Boussiriou DIALLO
Avec tout ce dévouement pour récupérer les déchets plastiques, et minimiser les risques sanitaires, Mamadou Boussiriou DIALLO et son équipe sont confrontés à quelques aléas « Sur le plan sanitaire nous essayons de faire le mieux. Mais dès fois nous avons des blessures et des égratignures. Après avoir broyé les vers ou les plastiques nous avons des démangeaisons. Pour l’instant nous avons des chaussures de sécurité, des gens, des habits pour couvrir le corps. » Affirme-t-il.
Il est à dire, qu’en dépit de toutes les solutions proposées par nombreux acteurs pour la gestion des déchets plastiques, le problème reste entier. Aux yeux de plusieurs observateurs, le recyclage et la transformation des déchets plastiques sont des solutions qu’il faut rendre durable pour plus d’opportunités que d’impact négatif sur l’environnement.
LALEMAN N’NABINTY
Projet TERRA AFRICA
Financement : CFI, Agence française de développement médias !