Les initiatives se multiplient sur le continent africain en faveur de la problématique des changements climatiques. Les défis sont certes énormes aujourd’hui sur le continent auxquels font face les populations, mais les idées pour des mécanismes adaptés ne manquent pas.
Il fait partie des jeunes qui fondent leur espoir sur les échanges, des partages d’expériences et l’intervention des toutes les parties prenantes en vue des solutions adaptées aux changements climatiques. Bationo Jérôme William se donne les moyens pour concrétiser ses idées. Il est l’initiateur et coordinateur d’Africa Green Initiative. Nous l’avons rencontré pour parler des questions des changements climatiques et la résilience des populations face à ce phénomène. Avec cet expert en développement, nous avons abordé plusieurs questions…
Bonjour monsieur, présentez- vous d’avantage à nos lecteurs ?
Je suis Bationo Jérôme William, Coordinateur d’Africa Green Initiative, initiateur d’Africa Green Week. Expert en développement, expert média. Je travaille pour des projets de développement en Afrique, principalement dans le sahel et en Afrique subsaharienne, sur les questions de développement, du changement climatique.
Vous êtes l’initiateur d’Africa Green Week 2023, dites-nous quel est l’objectif de cet événement ?
L’objectif de cet évènement est tout d’abord, de donner de la voix, une voix venant de l’Afrique, par les africains pour les africains sur les questions de changement climatique. Il faut dire que cet événement est né du constat, après quelques activités du terrain, que toutes les voix, toutes les questions liées au changement climatique étaient des voix venant des structures d’institutions, un peu plus j’allais dire, de l’occident.
Et pourtant les experts du GIEC et différents experts à travers le monde sont unanimes sur le fait que les changements climatiques auront des impacts négatifs sur le continent, principalement sur les pays au Sud du Sahara. Donc, il était important pour nous en tant qu’acteur intervenants dans le secteur, de proposer quelque chose, petite soit-elle et permettre aux africains de prendre en compte cette question et ces sujets un peu plus profondément.
Parce qu’il faut dire que cette crise au niveau du Sahel que nous traversons pourrait avoir ses sources au niveau des questions de ressources qui se raréfient simplement par qu’on a des problèmes de gestions de l’espace, des problèmes d’adaptation à ces changements. Et tout cela comme base le changement climatique. Donc l’objectif est de permettre aux différents acteurs intervenants sur ces questions de réfléchir et de proposer des solutions endogènes, des solutions africaines, mais aussi d’informer davantage des populations les acteurs, mais aussi les médias.
Aujourd’hui quelle est votre analyse sur la situation climatique en Afrique ?
Il faut dire que la situation climatique est globale, pas seulement africaine. Comme vous l’avez certainement lu, vous savez avec les différents rapports des différentes institutions qui travaillent sur les questions du changement climatique, le réchauffement est réel. Les conséquences se font de plus en plus sentir.
Quel est son impact sur l’Afrique ?
Son impact sur l’Afrique est là. La situation est dramatique. Puisse que nous constatons de plus en plus que des populations sont obligées de trouver des mécanismes qui n’étaient pas prévus dans leur démarche, dans leur vie au quotidien. Donc, cela fait que davantage elles sont obligées de trouver ces mécanismes qui peuvent par moment créer des situations de conflits.
On voit qu’avec le changement climatique et l’impact dans certains pays, on n’a pas de ressources nécessaires pour s’adapter. Des populations sont obligées de travailler, durement et elles sont obligées de se déplacer. Et dans certains cas, ces déplacements créent des situations de conflits. Dans certains pays on parle de crise, de conflits entre éleveurs et agriculteurs, qui sont tout simplement liés à ces questions de changement climatique.
Vous avez également, pour ce qui concerne le cas des éleveurs, que les couloirs de transhumance qui, autrefois permettait de se déplacer pour leur bétail n’existe plus, du fait que les populations sont obligées d’élargir leur capacité agricole, c’est à dire les champs, ce qui va naturellement boucher les couloirs de transhumance. Ensuite le problème de communication entre les populations autochtones et les populations qui se déplacent.
Aujourd’hui cela a davantage créé des désœuvrés dans nos pays et surtout dans le sahel. Quand on sait que le Burkina Faso, le Mali, le Niger et d’autres pays du sahel qui traversent des crises actuellement, sont des pays qui étaient en majorité agricole et d’éleveurs. Aujourd’hui, les populations n’ont plus la capacité de faire face à leur besoin bien-sûr à cause de ces changements climatiques.
Certains jeunes sont facilement manipulables, la montée du terrorisme, la possibilité pour ces jeunes d’aller dans des groupes armés, puisse qu’ils n’aient pas quoi faire, quoi se nourrir. Et à cela s’ajoute les problèmes de gouvernance, et très prochainement ce seront les problèmes de santé sur la population et il faut dire que ces changements climatiques ont des impacts sur la santé, sur les végétaux, sur les organismes animaux vivants, naturellement sur l’humain. Et cela va en grandissant.
Pour vous, qu’est-ce qu’il faut, pour qu’en Afrique nous puissions efficacement lutter contre les changements climatiques ?
Pour lutter effectivement et efficacement contre le changement climatique en Afrique, il faut d’abord savoir de quoi il s’agit. Il faut d’abord expliquer aux populations ce que sait ce concept qui est populaire, dont tout le monde en parle. Voilà les média en parlent, mais on sait très peu réellement de quoi il s’agit.
Et aujourd’hui, il ne s’agit plus de lutter contre les changements climatiques, mais de savoir s’adapter.
C’est de trouver des mécanismes d’adaptation et de résilience pour les populations, s’adapter dans le sens de vivre avec. Savoir comment vivre désormais sans activer davantage tout ce qui est la cause de ces effets de changement climatique. Informer et former les populations, donner des mécanismes et des mesures à ces populations pour qu’elles puissent agir auprès des autorités, pour que ces autorités puissent prendre des politiques qui s’adaptent plus avec la réalité du moment.
Il faut dire ne s’agit pas que des campagnes de sensibilisation, mais il faut des volontés, allant de la formation, de la recherche à même nos modes vie. Il faut dire que l’urbanisation dans nos pays, les infrastructures que nous construisons doivent tenir compte de ces questions de changement climatique et des effets à venir.
Vous avez parlé des communautés, dites-nous quelle place pouvez donner à ces communautés dans la lutte contre la dégradation de l’environnement de façon générale ?
Il faut dire dans les toutes les civilisations du monde, nous vivons communautés. Il n’y a rien qu’on puisse innover ou faire en dehors de la communauté. Ici il s’agit de les faire réfléchir à leur mode de vie. Il faut dire par moment, nous avons des solutions endogènes, des solutions que nos grands-parents ou nos ancêtres avaient face à certains problèmes, mais aujourd’hui que nous avons peut-être perdu ou nous avons oublié.
C’est à nous savoir comment les utiliser pour faire face à ce problème de dégradation de l’environnement et la dégradation de la Biodiversité.
Par exemple, dans certains pays d’Afrique vous verrez qu’il existait des lieux sacrés, des lieux de cultes, de sites où il était interdit pour les populations de profaner pour des raisons X ou Y. Et ces lieux sont de plus en plus en train de disparaître. Dans la manière de faire de nos ancêtres, c’était pour préserver l’environnement, pour éviter qu’il ait des dégradations de cette biodiversité, en proposant de tels endroits, de tels lieux.
Il faut qu’aujourd’hui nous puissions voir comment nous pouvons nous imprégner des manières de faire anciennes et les réadapter face au changement climatique, mais aussi de faire face à tous ces problèmes liés à dégradation de l’environnement.
Alors quel est votre mot de la fin à l’endroit de cette population africaine ?
Mes mots pour terminer, je dirai aux populations, plus précisément et également à nos autorités de prendre cette question de changement climatique et de la préservation de l’environnement très à cœur, car cela dépend de notre survie, cela dépend de la survie d’une grande partie de la population africaine face au péril du changement climatique et de la démographie qui est très croissante. Mais aussi faire face aux différentes crises multidimensionnelles qui se sont déjà installées. Il est important que les populations prennent à cœur ces questions et trouvent des solutions pour s’adapter, pour se réinventer, pour proposer de manière concrète aux autorités politiques des mécanismes pour qu’elles puissent prendre en compte ces questions de changement climatique.
Interview réalisée par Aliou DIALLO